Le deuil n'est pas seulement une épreuve psychologique, il est aussi une réaction physique intense qui affecte profondément le corps.
Au début, le corps peut entrer dans un état d'anesthésie émotionnelle ou d'engourdissement, une mesure de survie pour ne pas s'effondrer. On peut se sentir "dans un état second", comme si on était décalé de la réalité ou de son propre corps.
Puis on chemine de manière quasi inconsciente dans ce processus de deuil, et arrive alors l'étape du corps. Passage obligé, il est comme un Élan de Vie impulsé par notre âme. Ce corps fait pour l'attachement, pour le contact, pour l'étreinte qui réconforte, pour l'amour qu'on partage, ce corps fait la douloureuse expérience du retour à Soi dans une réalité déchirante : celle de ces contacts physiques qui ne seront plus.
C'est une période particulièrement douloureuse et empreinte d'une profonde tristesse que je traverse aujourd'hui. Je comprends pourquoi mon cerveau s'est déconnecté de cela ces derniers mois. Il n'était visiblement pas encore prêt à affronter cette étape du corps. Suis-je plus prête aujourd'hui ? Je l'ignore, mais visiblement je n'ai pas vraiment le choix. Elle s'impose à moi.
La difficulté à « vivre la phase de retour au corps physique » est immense. Le corps est alors submergé, stressé, et utilisé comme point de sortie pour la souffrance émotionnelle. Cette étape de deuil qui me rappelle à mon corps, me rappelle par la même occasion le profond manque que je ressens de ne plus pouvoir les prendre dans mes bras, toutes les deux. Et c'est à hurler tellement la profondeur du manque est abyssale.
Cette douleur me rappelle combien je les ai aimées et combien je ne sais plus quoi faire de cet Amour qui ne peut plus aller nulle part. J'ai beau être bien entouré, je ne sais pas comment remplir ce vide à l'intérieur de moi et comment "remplacer" nos câlins si définitivement absents.
Le Chemin de la Réappropriation : Être Doux avec son Corps Brisé
Il n'y a pas de date limite pour guérir d'un deuil, et encore moins d'un double deuil. Aujourd'hui, mon défi est de ne pas traiter mon corps comme un étranger ou un fardeau, mais comme le seul endroit où je peux encore me sentir vivante. Même si être vivante aujourd'hui signifie "souffrir".
Le Courage de Réhabiter son Corps
Aujourd'hui, mon corps est le seul lieu où je peux encore me tenir droite. Il est brisé, mais il est le témoin de cet amour qui perdure.
Je suis épuisée. J'accueille. Que pourrai-je bien faire d'autre… Alors je m'accorde le repos nécessaire. Chaque micro sommeil est une réparation. Mon organisme est en convalescence.
Pour combattre cette impression d'être à côté de mes pompes, il faut me forcer à des moments d'ancrage. Marcher, sentir le goût de ce que je mange, m'accorder un bain chaud, accepter un soin du visage… Ce sont des actes de pleine conscience qui disent à l'esprit: « Je suis là. Je suis dans mon corps. »
Au lieu de maudire les douleurs physiques, j'essaie de les écouter. Une raideur dans la nuque ? Peut-être est-ce la colère que je retiens. Une oppression ? L'expression d'une peine que je n'ai pas encore pleurée. C'est épuisant et la moindre action me demande une énergie que j'ai bien du mal à trouver, alors je me lâche la grappe : pour le ménage et les bons petits plats, ça attendra.
Le Courage de Réinventer le Contact
Mon corps semble hurler qu'il est temps de revenir à Soi, même si cela engendre une douleur incommensurable. Il semblerait que la guérison de la douleur physique passe par la transformation du contact.
Je ne peux plus les prendre dans mes bras, mais je peux prendre soin de moi avec la même tendresse que je leur aurais donnée. Quand je sens le vide dans mes bras, je n'essaie plus de le nier. J'écoute cette douleur. Elle est la preuve que j'ai aimé et que j'ai été aimée. Ces sensations sont la mémoire physique de leurs présences. Je me dis : "C'est l'amour de ma maman, c'est l'amour de ma fille que mon corps recherche."
Mon corps a perdu sa maman et son enfant, mais il est toujours là. Il est le seul lieu de rencontre possible avec leurs souvenirs. Être doux avec lui, c'est lui permettre de retrouver sa chaleur et de redevenir, à terme, un lieu de paix.
Il est temps de traiter ce corps comme un survivant, car c'est exactement ce qu'il est. Alors je fais...
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